Sur l’idée de Guillaume Gaudard, l’interviewer est devenu l’interviewé. Guillaume a donc compilé quelques questions à Fred. Tour d’horizon autour du championnat de France 2021.
Avant le championnat et ce titre, quel était ton palmarès ?
Mon vécu en raceboard commence en 1991 avec la création de ce support en France et à l’international. Avant cela, j’ai couru en Division 2 en étant en école de sport à CV Saint-Quentin en Yvelines et en équipe jeune régionale. J’ai été longtemps un coureur d’un bon niveau national en Lourds (>70 kg) jouant le haut du classement national sans formation de type sport-étude qui était un gros plus pour aller plus haut. C’était surtout de grosses batailles presque tous les dimanches sur les plans d’eau Franciliens à jouer la gagne, souvent dans le petit temps, voire la pétole, parmi de « sacrés clients » comme Patrick Fouche, Thierry Boudreault, Charles Lecocq ou Benoit Wilheilm. L’Ile de France était alors la plus grosse ligue avec régulièrement plus de 100 coureurs sur les régates de ligue le dimanche (grade 5) et jusqu’à 250 coureurs sur les interligue (Grade 4). Mêmes les brestois venaient ! Performer au milieu des coureurs issus des filières fédérales était aussi de bons défis en allant jouer sur le championnat de France ou des épreuves internationales avec l’équipe de ligue jeunes comme les North Sea Cup (Angleterre, Belgique, Hollande et France). Il fallait alors se frotter à plus fort comme Patrice Pou, Eric Gourdin et Rémi Vila. On mesurait le gap pour être au top à leur niveau mondial. De super souvenirs aussi au monde Jeunes 90 à Weymouth en Lechner dans 35 à 40 nœuds surtoilé en 6m² et Antoine Albeau se baladant au milieu de ses camarades franchement à la peine. Il y eut aussi le monde Raceboard 92 à Cadix avec un niveau de fou et des conditions démentes. Sauter en course la houle de face dans 30 nœuds dérive basse au près, c’était hors norme … et mémorable !. Ceux qui y étaient s’en rappellent encore. Sans performer, les faire étaient déjà une belle aventure. J’ai donc beaucoup régaté pendant ma période étudiante jusqu’en 1998 avec une médaille d’argent au France 96 à Brest en Lourds. Je performais surtout dans la pétole ou dans la brise. Dans le médium, avec 87 kg à trainer, cela a toujours été mon souci avec 7,5m². J’ai ensuite arrêté à la naissance de mon fils en 98 et mon déménagement sur Saint-Etienne où je réside toujours. J’ai repris en 2013 avec un « paysage Raceboard » qui avait bien changé. Je suis maintenant licencié au Lyon Sport Métropole. J’ai repiqué en Raceboard après 15 ans d’arrêt car après réflexion, c’est le seul support qui permette de naviguer dans 100% des cas, partout. Quand on a peu de temps pour naviguer … c’est une donne importante. C’est la pratique windsurf la plus polyvalente de toute, sans contestation possible.
En tant que président de la FRA, tu as mené des interviews auprès du top 5 du championnat de France qui a eu lieu à Lacanau à la Toussaint. Il faut pourtant que le grand public sache que tu es aussi devenu champion de France de Raceboard cette année ! Comment ressens-tu ce succès ?
D’une manière particulière. Cela faisait 25 ans que je pouvais dire que j’avais été vice-champion de France. Ça commençait à faire celui qui radote son passé … et là subitement sans même l’avoir pu l’imaginer ou penser avant … je reparle au présent avec quelques cheveux gris en plus. C’est un sentiment bizarre mais pourtant une réalité. Cela fait tout de même très plaisir. En plus, tout s’est joué sur la dernière manche. Je n’ai rien vu venir ou cogité. Les conditions météo m’ont aidées et je savais que les prévisions météos allaient me mettre dans de bonnes dispositions. Dans un autre vent, cela aurait pu être différent. Mais cela s’est fait ainsi. Je suis très heureux d’avoir partagé ce podium avec mes amis et en mode mixte. Jeanne a fait un sacré « truc » avec beaucoup d’humilité. Hervé a dû être ravi, en coach de denier stage FRA, de voir « ses poulains » bien placés. Clin d’œil.
Comment t’es-tu préparé ?
J’ai été très chargé personnellement depuis septembre sans trop faire de sport et pas de planche du tout. « Seulement » la Sainté-Lyon de 80 km en VTT de nuit par les montagnes début septembre, un défi. Lol. Pour me préparer pour Lacanau… j’ai juste et sérieusement bricolé ma voile la semaine d’avant en refaisant toutes mes lattes moi-même avec de bonnes séances de ponçage. Beaucoup de mon attention pour ce championnat était centrée sur le bon fonctionnement de mon matériel et la fiabilité de ma bricole et moins sur les autres paramètres, pourtant tout aussi importants. J’ai pris les jours et les manches les uns après les autres. Jusqu’à présent, la préparation de mon matériel était pour moi secondaire, à tort. La forme physique me semblait le plus important. C’est donc un gros changement cette année. Je garde en mémoire un propos à tous de Nicolas Huguet en coach du stage FRA 2018 : «vous avez du bon matos … mais il doit fonctionner parfaitement et ce n’est pas le cas ». On voit aussi la rigueur des filières haut-niveau sur la préparation et réglage de leur matériel. Ce n’est pas pour rien. C’est de la performance en plus.
Tu n’as pas utilisé la dérive d’origine sur ta planche, modifié les lattes de ta voile,…; d’où vient ta passion pour cette recherche permanente d’innovation technologique ?
Pour les lattes, je voyais en photo (à défaut de pouvoir beaucoup naviguer, j’observe) que je naviguais au près avec un spi bien gonflé. Des modifications s’imposaient logiquement. Impossible de performer en l’état.
Pour la dérive, c’est différent. Nos planches actuelles sont très performantes côté shape, toutes marques confondues. Elles sont très abouties, autant rapides que faciles. Les dérives, elles, n’ont pas autant évolué et sont pourtant essentielles. On sent qu’elles plafonnent dans le vent avec la vitesse. Avec les avènements récents, de la CAO, des machines numériques et les progrès dans les résines pour les injecter par infusion, il est à présent possible d’imaginer et concrétiser tout ce que l’on veut avec des profils très fins et complexes côté forme et des fonctionnements parfaitement ajustés côté flex ou raideur. Les appendices restent cependant des affaires de spécialistes aboutis avec un vrai savoir. On le voit sur le foil; sans tous ces progrès technologiques très récents, le windsurf foil n’existerait toujours pas. Par ailleurs, je travaille dans les matériaux polymères … faute d’avoir réparé moi-même mes planches étant jeunes à refuser des priorités sur l’eau.
On a donc contacté Gasoil Fins au nom de FRA pour faire une dérive au gout de jour. Philippe Cecchi maitrise scientifiquement l’hydrodynamique et le fonctionnement d’un profil et est très bon dans la mise en œuvre très technique. Il adore les défis qui apportent du progrès. Pour lui, une planche « ça doit fonctionner sur l’aileron » mais notre projet avait du sens pour lui. Il a donc fait une nouvelle dérive moderne adaptable sur toute planche. Il s’est associé Nicolas Huguet en local pour le cahier des charges et les tests et même validation (2nd du mondial 2017 tout près d’Ivan Pastor) et c’est Nicolas Goyard qui avait fait les premières CAO, alors en stage chez Gasoil. Il y avait deux objectifs, faire d’abord un update de ce qui se faisait pour aboutir à une dérive moderne, sans limite du côté de la performance recherchée puis d’être en mesure de la décliner bon marché en fibre de verre. Le deuxième volet n’a pu être atteint car on ne peut avoir une formule 1 au prix d’une voiture de série et avec les matériaux s’y rapportant. Pour ma dérive Gasoil perso… j’ai revendu la Lechner de ma jeunesse sur le parking de Gasoil fins, pour m’offrir la dérive quelques minutes plus tard. Avec bonheur, donc.
Tu a surpris par ta vitesse au largue. C’est quoi ton secret ?
(sourire) … la glisse. Que ce soit en slalom ou raceboard, au largue il faut transmettre l’énergie de la voile dans la planche et la faire passer des bras aux jambes intégralement en direct. Un entraineur m’avait expliqué, étant jeune, qu’en tirant sur une corde bras tendus, je devais trouver la position (bras, buste, jambe, pied) qui fasse glisser mes pieds au sol : transmettre la force des bras dans les appuis. Il faut aussi la bonne hauteur de wish (épaule pour moi dans la brise et non au front comme beaucoup) et les bouts de harnais à la bonne longueur (une longueur d’avant-bras) et bien positionnés sur le wish pour border et « écraser la voile sur le pont » et garder la planche bien à plat écrasée sur l’eau, encore plus dans les surventes. Il faut rester bordé pour faire accélérer et non pas ouvrir. Paradoxalement, plus on va vite, plus c’est facile. Ça passe aussi par une confiance totale dans son aileron avec 0 spinout en toute situation. Ce détail compte beaucoup pour ne pas passer sur la défensive et lever le pied.
Tu as toujours été très rapide dans le vent, mais cette année, en plus, tu paraissais plus à l’aise dans le médium. Quelle a été ta préparation ?
… une préparation matérielle, donc. Une planche polyvalente à la base, une dérive qui permet de mieux caper ou accélérer et une voile qui s’adapte à ce contexte. J’ai utilisé une voile typée lightwind, malgré le vent annoncé, très légère et creuse à la base et j’ai raidi son profil par des lattes « handmade » pour gagner en polyvalence et stabiliser son creux pour pouvoir caper … mon gros défaut de base, renforcé par mon gabarit lourd. Aussi, pouvoir davantage accélérer dans le vent par plus de stabilité du profil. Un matos donc plus polyvalent et homogène. Je suis possiblement celui qui a tendance à faire le moins de cap et à surcompenser en vitesse par la glisse. En condition stable, c’est payant mais il faut pouvoir, plus souvent encore, caper et savoir adopter comme cela une position attentiste dans ce mode pour profiter des bascules ou pas, centré et surtout au vent des autres. Cela fait partie du jeu tactique. Peut-être qu’avec l’âge, la raison finit par l’emporter. 😊
Ce championnat a été une vraie réussite, 10 manches courues par tous types de vent. Quels souvenirs souhaites-tu garder de ces 3 jours à Lacanau et quel moment en particulier ?
Le plaisir retrouvé pour tous, d’avoir navigué avec les amis sur un très beau plan d’eau offrant beaucoup de variété de conditions avec de bonnes températures pour pratiquer à cette époque. Le plaisir aussi de se retrouver après un championnat 2020 annulé la veille par le préfet des Bouches du Rhône à cause du COVID. Je retiendrai aussi la joie de Guillaume, hurlant, sur la manche 5 en arrivant ensemble 1 et 2 sur une descente mémorable au portant à pleine vitesse dans une brise bien soutenue. La Raceboard comme je l’aime le plus. C’était grisant de jouer la course en étant à fond. J’adore. Aussi la dernière descente au portant sur la dernière manche, très forte. Il a fallu encaisser à pleine vitesse dans les limites. J’ai attaqué le premier largue du dernier tour en tête, sans réussir à me mettre au harnais à pleine vitesse puis de devoir gérer une arrivée dans 40 nœuds mesurés sur la toute fin de manche. On quitte alors le mode course où s’occuper de soi pour parvenir à finir tant bien que mal, est déjà un bon sujet. On bascule par la difficulté dans le dépassement et la maîtrise de soi, seulement. Ne pas paniquer et réagir au mieux sur une situation incroyable et qu’un titre se joue en plus sur ce fait de course … vu aussi sous un autre angle plus raisonnable : sans autre enjeux que de finir une régate sans casse et ne pas tenter l’impossible que l’on regretterait. Ces situations sont aussi de bonnes expériences pour la vie et des valeurs développées par le sport qui te resservent et qu’ils faut transmettre à nos enfants.
Je suppose que cette réussite te donne des ailes, quels sont tes projets pour la suite ? Sportivement et pour la classe Raceboard ?
Sportivement, … essayer de défendre l’année prochaine cette médaille en donnant du fil à retordre à celui qui voudra la récupérer. Il faudra la mériter ! Se faire aussi de belles navs en mer en mode raid comme sur le secteur La Baule / Quiberon. J’aime bien ce type de navigation en Raceboard en préparant la météo tout en ne négligeant pas la sécurité. Les Raceboard par leur gros volume sont très sûres pour cela mais il ne faut pas en abuser. Encore une histoire de raison.
Pour la classe, faire davantage de buzz pour motiver les pratiquants à se rassembler et se déplacer. Il y a beaucoup de matériel dans les garages français et les gens sont chaque fois ravis de s’être déplacés. Vivre notre sport par procuration sur Facebook ne suffit pas. Organiser des épreuves qui donnent envie comme la coupe nationale en équipe dont Guillaume Gaudard a pris le projet en main pour 2022. On travaille aussi sur deux stages de pratique en 2022, un axé performance pour les pratiquants confirmés et un second perfectionnement davantage accès sur les fondamentaux pour ceux voulant découvrir et progresser sur ce type de planche. Bruno Boucard, fraichement arrivé à CVLG (Lacanau) s’y attèle pour FRA. Les stages organisés ces trois dernières années en nouvelle Aquitaine ont été très bénéfiques. Progression et surtout convivialité qui fédèrent et fidélisent.
J’aimerais aussi pouvoir voir FRA aboutir à l’organisation d’un championnat d’Europe puis du Monde en France qui nous tendent les bras. On y travaille depuis 3 ans mais nous butons sur le bouclage financier pour l’engager avec le club partenaire pressenti. C’est au passage un appel du pied.
Un message à ajouter ?
Oui, plusieurs, même.
Chaque fois ravi de retrouver tout le monde sur l’eau et à terre. C’est toujours super de partager ces moments en parlant ensemble autant du passé que des projets futurs, en vivant d’abord l’instant ensemble. Le sport et les regroupements pour le pratiquer sont vraiment accessibles à tous. C’est aussi une très belle école de la vie où beaucoup de valeurs saines et solides sont développées et resservent dans la vie de tous les jours. La voile et la mer le permettent d’autant plus par toutes leurs exigences pour bien le vivre, le respect en particulier sous toutes ses formes, celui des autres, du sport, des éléments naturels comme la mer.
J’ai aussi une attention particulière pour Thierry Seeboldt qui s’est engagé fidèlement avec moi dans la reprise de FRA en 2016. J’en profite aussi pour lancer un appel aux forces vives et actives qui voudraient apporter leur contribution à de nouveaux projets FRA. C’est ouvert.
Je finirai par un clin d’œil à mes trois enfants que j’adore et qui ont été ma motivation pour faire au mieux sur ce championnat de France. J’ai pris aussi ma chance au maximum pour montrer à ma fille Cléo qui en bave en classe prépa, partie sur Paris cette année, que lorsqu’on y va vraiment, jusqu’au bout … ça finit par marcher. J’espère que papa lui a donné un coup de boost supplémentaire par la preuve de concept lacaunaise. 😉 A elle de prendre sa chance au maximum, avec raison. C’était mon dernier secret, plus personnel, à vous dévoiler…. même s’il ne permet pas d’aller plus vite au largue 😉
Merci à tous,
Au nom de l’ensemble des coureurs, nous te remercions pour ton engagement dans l’association.