Tu as joué le classement scratch avec les hommes et tu l’as emporté devant tous en étant intouchable avec ta 8,5 dans les petits airs et le médium face aux 9,5 des hommes. On peut témoigner, tu n’as pas pris le départ avant les autres ni oublié de passer des marques. Quel est ton secret ?
Quand j’ai vu qu’on n’était pas beaucoup de féminines, je me suis donné comme objectif de faire un podium au classement général.
Quand j’étais en équipe de France olympique, en Mistral One Design qui était une raceboard, je me suis souvent entraînée avec les hommes, français ou étrangers. On avait à l’époque les mêmes surfaces de voile, et on pouvait souvent jouer à armes égales, ou du moins, opposer à nos collègues masculins de bonnes batailles sur l’eau ! Je pense que la Raceboard est un support qui permet aux hommes et aux femmes de naviguer ensemble. D’ailleurs, Morgane et Mathilde ont-elles aussi navigué dans la flotte hommes sans avoir à rougir non plus.
Je suis donc partie sur l’eau en étant certaine que c’était possible. La Raceboard Exocet est à mon avis la plus rapide au près, et après les départs, j’ai trouvé que, si les hommes pompaient fort, ils s’arrêtaient assez vite. Parfois, j’ai continué à pomper un peu, et puis ensuite, j’étais vite calée. La voile VG7 Demon est vraiment confortable et performante. De par sa verticalité, les réglages (bouts de harnais) ne varient pas énormément entre le vent faible et le vent fort. Comme je suis plus légère, le départ au planning au largue est aussi facilité. Ensuite, au portant, c’est une technique à acquérir, pour maintenir le planning, tout en cherchant un angle le plus abattu possible…
Motivation décuplée par ce challenge supplémentaire ?
Sur l’eau, je n’ai pas vu les choses sur le plan Hommes-femmes. J’ai juste vu des planches, et je voulais être devant les autres planches. Comme à l’entraînement (pendant les stages FRA par exemple). On se connait bien, on navigue souvent ensemble avec Fred, Guillaume, et d’autres !
Ce n’est que à terre que j’ai réfléchi à ça ensuite. En effet, le problème n’est pas évident pour promouvoir le sport féminin.
Je pense qu’il faut garder un titre « femmes » et je ne voulais pas non plus « voler » le titre à un homme, par contre, je voulais que ma performance soit visible symboliquement, sur le podium. Cela a d’ailleurs été très bien fait par l’organisation (CVLG) et Didier Flamme. Je pense que tout le monde a été honoré comme il se doit.
Peux-tu nous raconter ton passage dans le grain à 40 nœuds avec ta 8,5 pour finir la manche…2ème. C’était comment autour de toi ?
Quand le grain vous est « tombé dessus », toi et Benoit, vous étiez sur le dernier largue, et moi, j’allais enrouler la dernière bouée sous le vent pour vous suivre sur ce bord. J’étais déjà bien contente d’être là où j’étais. On connait tous la vitesse légendaire de Fred Becquart dans le vent fort, Benoit Paillard a l’air d’être une belle fusée aussi, quant à Théo Vanbeselaere, il avait l’air super à l’aise aussi. J’ai vu le grain arriver, et je vous ai vus vous faire plaquer… Je me suis dit : « surtout, faut pas tomber, sinon, c’est mort ». Je me suis dit aussi, « je vais finir 2ème, c’est pas possible !!! ».
En enroulant la bouée sous le vent, j’ai étarqué au point d’écoute (que l’on relâche pour le vent arrière). Le largue était assez serré de toutes façons. Et surtout, je ne me suis pas accrochée au harnais, je suis restée bien reculée, pour garder de la vitesse (plus tu vas vite, plus c’est facile, et évidemment, tu galères moins longtemps !). J’ai tenu en me disant « faut pas lâcher », la tête entre les bras, avec en arrière, le dos, les fesses, je ne sais pas trop !!!
Quand j’ai passé la ligne, j’ai crié. A ce moment-là, le vent s’est encore renforcé, et j’avais mal pour les autres concurrents encore sur le parcours. L’eau est devenue toute blanche, il y avait des petits arcs-en-ciel à la surface de l’eau et la pluie semblait rebondir, c’était un peu irréel.
Tu as un niveau international. Quand te verra-t-on au championnat du monde ?
J’aimerais bien, mais cela dépend beaucoup des dates. En effet, je suis prof des écoles, je ne peux pas choisir mes dates de vacances !
Tes projets et vœux 2022 en Raceboard ?
J’aime beaucoup ce support car on peut vraiment naviguer tout le temps. Les sensations sont hyper agréables. La planche glisse, plane presque toute seule.
J’aime naviguer quand il fait beau et chaud, c’est pour ça que j’aime les plans d’eau de Lacanau et Maubuisson. L’été, l’eau est chaude et les paysages sont super beaux.
Ici, en Normandie, il y a souvent un peu de shore break, ce n’est parfois pas facile de partir même avec l’habitude ! Je navigue de temps en temps, mais pas si souvent, car je suis toute seule sur l’eau, il y a peu de planches (À Houlgate ) c’est dommage, c’est un plan d’eau sympa. C’est un spot de kites.
En 2022, je vais essayer de remettre les pieds sur la planche dès le printemps. Comme je suis frileuse, c’est déjà un gros défi ! Je vais continuer le sport, à mon rythme, pour rester en forme. J’attends avec impatience le stage FRA de l’été pour retrouver j’espère un maximum d’ami(e)s. J’espère qu’il y aura cette année d’autres filles et que le genou de Viviane sera guéri !
Si les championnats, nationaux ou internationaux sont à des périodes où je suis disponible, j’essaierai de m’y rendre.
Sinon, tu vis le windsurf en famille, autour de programmes régates, comment cela se gère-t-il ? ce n’est pas la foire d’empoigne ?
L’été, tout le monde aime naviguer. Les enfants sont inscrits à des stages et profitent des vacances. Ils ont 12 et 16 ans, ils peuvent se gérer tout seuls, rentrer à vélo du club etc. Les jours avant le championnat, on a profité pour retourner à la dune du Pilat tous ensemble, Stéphane (mon mari) a fait une après-midi de planche, Lucas a fait un tour en paddle. Tu rajoutes un ciné et un resto, et les vacances sont réussies ! Pendant le championnat, les enfants sont restés la journée à la maison de location, avec leurs devoirs, leurs instruments (Albane joue de la flûte traversière et Lucas de la trompette), des livres et les consoles Nintendo…
Stéphane a pu aller sur l’eau grâce au zodiac des tourangeaux (Guillaume et Amandine), il était ravi de l’expérience et de ses journées. On les remercie encore pour tous ces supers moments !
Pour terminer, je voulais remercier le club organisateur. Ce championnat a été une belle réussite. 10 manches, dans des conditions variées en trois jours, c’est rare !
Un comité de course qui prend vite ses décisions, qui ne fait attendre personne inutilement, très efficace et sympathique !